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Agenda européen et impact sur le secteur financier

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Différentes évolutions bouleversent aujourd’hui le monde financier. Nous avons demandé à Stephan Desplancke, professeur à la Febelfin Academy et Managing Partner chez Toward Wealth Management, d’apporter un éclairage sur l’impact de l’agenda européen sur le secteur financier, la situation fiscale en Belgique (y compris le débat sur la taxation des plus-values), le déplacement des investisseurs vers les marchés privés et les ETF, ainsi que les conséquences de ces tendances sur les investissements.

Agenda européen et impact sur le secteur financier 

1. Quelles évolutions récentes de la réglementation européenne (par ex. Union des marchés de capitaux, Euro numérique) auront selon vous le plus grand impact sur le secteur financier ? Quelles opportunités et quels risques cela entraîne-t-il ? 

En raison des récents développements géopolitiques, l’agenda européen met actuellement l’accent sur la sécurité et la défense. Néanmoins, la nouvelle Commission européenne, entrée en fonction le 1er décembre 2024, a annoncé plusieurs initiatives pour le secteur financier. La principale d’entre elles concerne la révision de la réglementation SFDR. Une critique récurrente depuis son introduction concerne le risque de greenwashing, causé par l’absence d’une classification simple et compréhensible des produits. De plus, la relation avec la taxonomie reste floue pour de nombreux acteurs. Une nouvelle législation devrait être introduite dans les mois à venir, en espérant qu’elle atteindra son objectif sans accroître davantage la complexité pour les investisseurs. 

Par ailleurs, une nouvelle directive sur les paiements (PSD3) est à l’étude, et la Retail Investment Strategy fait l’objet d’une réévaluation. L’objectif est de revoir et d’ajuster les incitations à la vente de produits d’investissement, et d’introduire des références de « value for money ». 

2. Les réglementations en matière de durabilité (CSRD, SFDR) se durcissent. Quel impact cela aura-t-il sur les institutions financières et les investisseurs ? Cela conduit-il à un investissement plus responsable ou existe-t-il un risque de sur-réglementation et de greenwashing ? 

J’espère sincèrement que la réglementation européenne sur l’ESG sera simplifiée à l’avenir, car les investisseurs ne comprennent plus rien. Ce n’est pas l’objectif recherché. Je reconnais l’importance de la transparence, permettant aux investisseurs de savoir dans quoi ils placent leur argent, mais la sur-réglementation et la complexité produisent l’effet inverse. En intégrant des préférences subjectives dans des fonds collectifs ou des ETF accessibles à tous en Europe, on crée une contradiction. Demandez à 100 personnes leur préférence en matière de durabilité, vous obtiendrez 102 réponses différentes. La réglementation actuelle entraîne des coûts supplémentaires pour les institutions financières. Les fonctions juridiques et de conformité deviennent de plus en plus des métiers en tension. À terme, ces coûts devront être supportés par quelqu’un, probablement l’investisseur. 

Fiscalité en Belgique et avenir de l’investissement 

3. Comment évaluez-vous la fiscalité belge par rapport aux autres pays européens ? La Belgique est-elle encore attrayante pour les investisseurs ? 

La Belgique s’est toujours positionnée comme relativement attractive en matière de taxation des plus-values sur actions, car de nombreux autres pays européens imposent depuis longtemps ces gains. Toutefois, il est essentiel de considérer l’ensemble du cadre fiscal. Même en l’absence d’une taxe sur les plus-values, la Belgique prélève d’autres impôts tels que la taxe sur les comptes de titres, la taxe boursière, le précompte mobilier et la taxe Reynders. 

Néanmoins, la fiscalité des investissements en Belgique se caractérise par une complexité considérable. Une simplification et une réforme structurelle sont préconisées, indépendamment du type de produit d’investissement. De plus, il existe toujours une différence marquée entre le traitement fiscal des investissements bancaires et celui des assurances d’investissement, comme les produits dits « branche 23 ». Lorsque le coût total pour le client final dans cette dernière catégorie est acceptable (ce qui est souvent rare), les portefeuilles d’investissement sous une structure d’assurance s’avèrent généralement plus avantageux pour l’investisseur. 

Dans l’ordre mondial actuel, plus incertain et volatil, la Belgique reste néanmoins une destination attrayante pour les investisseurs souhaitant préserver leur pouvoir d’achat à long terme, même en cas d’introduction d’une taxe sur les plus-values de 10 %. 

Tendance vers les marchés privés et les ETF 

5. Les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux marchés privés. Quels sont les principaux moteurs de cette tendance ? 

Après la crise financière de 2008, les investissements sur les marchés privés ont fortement augmenté. La baisse prolongée des taux d’intérêt, due à l’absence d’inflation, a entraîné une période de capital bon marché, permettant aux entreprises de financer des acquisitions, des participations et des investissements, créant ainsi un effet de levier sur les rendements. Cela a conduit à des années de rendements exceptionnellement élevés pour les fonds de private equity, attirant naturellement l’attention. 

Ces dernières années, l’intérêt des gestionnaires et des distributeurs pour les marchés privés s’est encore accru. Depuis 2020, la corrélation plus élevée et plus volatile entre actions et obligations a incité les investisseurs à rechercher des alternatives pour diversifier leur portefeuille. Le portefeuille équilibré classique, basé sur un ratio de 60/40 entre actions et obligations, pourrait offrir moins de stabilité à l’avenir. Les marchés privés, notamment le private equity, remplacent en partie les obligations comme instrument de diversification. Les investissements en infrastructures et les prêts privés connaissent également une tendance haussière. 

Au début de l'année dernière, la réglementation européenne ELTIF a été modifiée, permettant aux investisseurs d’accéder aux fonds de private equity avec des montants plus réduits. Dès 25 000 €, voire 10 000 € dans certains cas, les particuliers peuvent investir dans ces fonds, alors que cette classe d’actifs était auparavant réservée aux investisseurs institutionnels et aux family offices. 

6. Les ETF restent populaires. Quel rôle jouent-ils dans un portefeuille bien diversifié ? Quels sont les risques ou les idées reçues dont les investisseurs doivent être conscients ? 

Depuis le début du 21e siècle, les ETF ont connu une croissance mondiale, particulièrement aux États-Unis. En Europe, une progression exponentielle s’est observée après 2018, notamment grâce aux réglementations MiFID favorisant la transparence des coûts. Le marché européen compte désormais plus de 2 000 trackers, offrant une grande diversité d’options aux investisseurs. Les principaux avantages des ETF résident dans leur diversification géographique, sectorielle et stylistique, leur accessibilité aux marchés internationaux, leur liquidité quotidienne et leurs faibles coûts (variant entre 0,03 % et 0,5 % par an). 

Un ETF n’est pas un produit en soi, mais plutôt un véhicule d’investissement permettant d’intégrer différentes stratégies ou portefeuilles. Si les ETF indiciels sont les plus connus, la prochaine phase de croissance repose sur les ETF actifs et même sur le développement d’ETF pour les marchés privés. Avant d’investir, il est essentiel de clarifier ses objectifs financiers, son horizon d’investissement, son appétence au risque et son budget en termes de frais, afin de sélectionner les véhicules les plus adaptés. 

Le principal risque des ETF réside dans l’investissement aveugle dans des produits populaires sans bien comprendre leur volatilité ou la composition de l’indice. La diversification ne signifie pas automatiquement une réduction des risques. Il est essentiel de comprendre que les ETF indiciels suivent simplement le marché : ni plus, ni moins. En cas de correction du marché, ces ETF auront tendance à baisser également. Ce phénomène est aujourd’hui plus marqué qu’il y a 15 ans, car de nombreux trackers sont fortement concentrés sur la technologie et les États-Unis. 

Tendances macroéconomiques et influence géopolitique 

7. Quelles tendances macroéconomiques seront déterminantes pour les stratégies d’investissement dans les années à venir ? 

Depuis 2020, l’ordre géopolitique mondial évolue, et l’économie connaît une transformation axée sur l’offre plutôt que sur la demande. Plusieurs forces majeures façonneront la société et les économies au cours des prochaines décennies, notamment la transition énergétique, l’évolution démographique, la disruption numérique (intelligence artificielle) et la fragmentation géopolitique. Dans ce contexte, l’incertitude et le changement restent les seules constantes. 

Il est donc plus important que jamais d’adopter une gestion active des investissements, où les ETF et les actifs non cotés joueront un rôle clé. 

8. Comment les tensions géopolitiques et l’incertitude économique influencent-elles les choix des investisseurs ? Quel est l’impact sur les actifs risqués et les actifs dits sûrs ? 

En raison de l’incertitude croissante et de la volatilité accrue à l’avenir, les investisseurs devront tenir compte de divers scénarios lors de la composition de leur portefeuille. Les actions restent une classe d’actifs essentielle pour se protéger contre l’inflation, mais le choix de la bonne région, du bon secteur et du bon style d’investissement devient de plus en plus crucial. Les obligations peuvent offrir une diversification à certains moments, mais pas nécessairement dans toutes les conditions de marché. Il est donc essentiel de sélectionner les bons fonds et ETF capables de s’adapter avec souplesse aux évolutions économiques. 

Compte tenu de l’inflation structurellement plus élevée et de l’augmentation de la dette publique, le rôle des obligations à l’avenir sera davantage axé sur la génération de revenus stables plutôt que sur la croissance du capital ou la diversification. 

Investissement durable et stratégies futures 

9. Pensez-vous que l’accent sur l’investissement durable continuera de croître malgré les défis liés à la réglementation ESG ? Quels secteurs en bénéficieront le plus ? 

Depuis la pandémie de Covid-19 et l’invasion de l’Ukraine, les flux vers les fonds et ETF durables ont diminué. L’accent mondial mis auparavant sur l’efficacité et la réduction des coûts a laissé place à des préoccupations de sécurité nationale et d’approvisionnement. Cette évolution a influencé les priorités des gouvernements et des investisseurs, reléguant l’ESG au second plan. Dans le contexte géopolitique actuel, la défense a retrouvé une place stratégique, alors que de nombreuses institutions financières excluent encore ce secteur de leurs portefeuilles d’investissement. 

L’investissement durable semble actuellement moins mis en avant, que ce soit dans les médias ou dans les flux de capitaux. Contrairement à l’Europe, où l’ESG reste une priorité, les États-Unis et l’Asie ont historiquement adopté une approche plus prudente en la matière. Toutefois, il est probable que l’ESG devienne, à l’avenir, un élément plus intégré dans l’analyse des entreprises, plutôt qu’un simple argument marketing. 

Récemment, les gestionnaires de fonds ont davantage axé leur approche sur le développement de produits durables axés sur la transition énergétique, plutôt que sur des stratégies d’exclusion ou des approches « best-in-class ». Dans ce cadre, les secteurs liés à la transition énergétique pourraient tirer parti de cette évolution. 

10. Comment les investisseurs peuvent-ils se positionner au mieux dans un environnement de réglementation croissante et de pression fiscale ? Quelles stratégies peuvent les aider à optimiser leur rendement ? 

La réglementation et la fiscalité sont des constantes dans le monde financier et devraient rester des facteurs structurants à l’avenir. Il est recommandé aux investisseurs de garder une vision à long terme et de ne pas sous-estimer le coût d’opportunité lié au fait de ne pas investir. Bien que la tentation soit grande de réduire son exposition aux marchés et d’opter pour des solutions d’épargne fiscalement avantageuses, la fiscalité ne devrait jamais être le critère principal dans le choix d’un produit ou, pire encore, justifier l’absence totale d’investissement. Même sous pression fiscale, l’investissement demeure attractif. Des études montrent que l’investissement en actions reste l’un des meilleurs moyens de se prémunir contre une inflation structurellement plus élevée. Un rendement net moyen de 5 % après inflation, même avec une taxation sur les plus-values de 10 %, reste à 4,5 %, ce qui dépasse encore l’inflation. 

Il est donc crucial de rester investi, de privilégier les ETF et fonds les plus fiscalement efficients et d’éviter une rotation excessive du portefeuille. Il peut également être pertinent d’explorer les investissements alternatifs, qui peuvent en partie remplacer le rôle des obligations, et de se positionner sur les mégatendances qui façonneront l’avenir. 


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